Rangement.. mot tabou pour une femme

Passagère de dernière minute, je retrouvais le balancement caractéristique des navires avec plaisir.
J'avais toujours eu le pied marin, et avoir une mer d'huile ou une grosse tempête ne faisait pas de différence du côté de mon estomac.. qui ne refusait même pas un certain animal à grandes oreilles s'il était bien cuisiné.

J'avais trouvé notre cabine à Army et moi très facilement, et je m'empressais d'ouvrir le petit hublot rond, laissant entrer cette odeur d'algues en décomposition brassées par les marées et nommée à tord odeur iodée.

Respirant à pleins poumons, je commençais à inventorier mes affaires, comprenant vite qu'il y aurait un soucis de place.

Mon chéri m'avait pourtant prévenu, et ce n'était pas comme si je ne connaissais pas la navigation et ses côtés galère question place..

Pfff à chaque fois c'est la même chose.
A chaque fois je dis que je ferai attention.
Et à chaque fois je me fais avoir.

Qu'à cela ne tienne.
Je ferai comme d'habitude.

Aussi sec, je commençais à entasser sur la couchette supérieure mes vêtements et autres accessoires en piles régulières, retenues par une sangle passée dans le matelas, leurs évitant ainsi de chuter en cas de gros temps.

Et pendant ce temps, mon oie, qui ne me quittait jamais faisait le tour du propriétaire, suivie de près par son oison.

Il faudrait d'ailleurs que je trouve un coin où installer mes oiseaux.. assez loin du maître coq de préférence..
Mais je m'occuperais de ce détail animalier plus tard, préférant m'allonger sur la seconde couchette et me détendre en attendant Army.
Mon pauvre chéri on n'aura pas autant de place qu'à la maison mais pas grave, de toute façon le meilleur endroit pour dormir étant d'être couchée sur toi ça changera pas grand chose.

J'avais fini par m'endormir, et c'est le froid qui m'avait réveillé.. La faim aussi..
Ma pauvre fille tu vas attraper la crève si ça continue. Dormir le hublot ouvert à cette époque n'est pas la meilleure idée qui soit.

Hublot fermé, je regardais mes bestioles.
Bébé caché sous l'aile de maman, ça roupillait bien tranquilou sur un de mes sacs.
Ben voyons..
Y en a un qui risque de grogner s'il vous voit ici en arrivant..
Bon.. en même temps fallait déjà qu'il arrive..
Et me mettre à la recherche du panneau de cale à cette heure.. aucun courage.
Demain il ferait jour comme on dit.

Un châle sur les épaules, j'ouvrais doucement la porte et suivais la coursive, avec l'idée qu'au bout une écoutille me mènerait certainement au carré, pièce de vie par excellence.
J'avais l'estomac dans les talons et je ne pensais plus qu'à ça.. Manger.

J'avais trouvé la cale et même un morceau de jambon à grignoter.

J'y retournerais sans doute pour y installer mon oie.
Ce n'était pas urgent, étant pour le moment seule dans cette cabine, mes oiseaux ne me gênaient pas.

J'avais passé ma première nuit seule et j'étais passablement énervée.. complètement furax plutôt devrais-je dire !!!
C'était la première fois qu'Army et moi bénéficiions d'une cabine privée, et apparemment il préférait dormir ailleurs..
Attends que je mette la main sur toi mon chéri et je t'attache à la balancine.

Je me préparais pour ma seconde nuit à bord.. et encore seule on dirait bien..

J'avais fait la connaissance du capitaine et de son épouse un peu plus tôt dans la journée, et je crois bien qu'une nouvelle amitié était née.
Ce qui me rendait bien aise, quand on sait qu'ils ne demeuraient qu'à un jour de marche de chez nous.. quand ils étaient à terre.

J'avais voulu continuer mon journal de bord, mais un crayon mal taillé m'empêchait de dessiner la carte du jour, donc j'avais laissé le papier de côté, me disant que ça pouvait bien attendre demain.
C'est que j'aimais bien les cartes moi, ça permettait de voir d'un coup d'oeil le trajet parcouru, les villes aperçues etc..

Les oies étaient toujours sur mon sac, où elles comptaient sans doute passer leur seconde nuit.
Après tout pourquoi pas.. Qui pouvaient-elles bien gêner ?

Troisième nuit seule..
Ce n'est certainement pas ainsi que j'imaginais mes retrouvailles avec Army.

Moral à zéro.

J'ai tout de même pris le temps de continuer mon journal de bord.
Zig m'ayant donné un jeu de clef, j'ai pu aller chercher en réserve de quoi dessiner mes cartes.

Ce qui me fait penser que j'ai oublié de notifier la liste des passagers.

Je note donc ça dans ma tête pour y penser.

.kam.
Armenos
Souveraine
Titoan_cv
Vivilolo (Capitaine la nuit/Equipage)
Warthe
Zigom (Equipage/Capitaine le jour)

Une voix connue, une voix chérie qui se faisait soudain entendre.
Je l'avais tellement espéré qu'un instant je mis ça sur le compte de mon imagination.
Mais non, en me retournant il y avait bien aussi le corps.

Entendre des voix passe encore, mais avoir en même temps une hallucination.. Ne buvant pas, c'était donc forcement le vrai..

Mon coeur enfin !!!

Le coeur qui commençait par donner un alibi en plus..
Pour continuer avec mon système de rangement..
Et finir sur l'odeur de la cabine..

Belle entrée en matière dis-moi amour.

Mais tu sais bien que j'emporte toujours trop de trucs. Et encore, j'ai faillit prendre ton mantel et une chemise de rechange pour toi au cas où.. Sauf que ça rentrait pas dans mon sac, donc c'est resté à la maison..
Et j'ai fait comme j'ai pu pour arriver à tout faire rentrer dans la cabine.
Mais il nous reste une couchette, ça nous suffira bien non ?

Je fronçais le nez, et ne trouvant pas d'odeur suspecte de décidais de jouer sur les mots.

Quelles volailles amour ?
Effectivement si j'avais pris ce genre d'animal il y aurait des odeurs, mais mes oies étant des oiseaux n'est ce pas..
Tu vois que je suis prévoyante.

Et puis elles ne nous gênent pas, elles ne bougent pas de dessus mon sac, à part pour aller faire un tour sur le pont de temps en temps se dégourdir les pattes et faire leurs besoins.

Mais bon, s'il n'y a que ça je vais les emmener à la cale avec Chocolat, elles seront au chaud là-bas aussi..
Et j'en profiterai pour remonter de quoi manger.. Y a un jambon.. hummm un bonheur.

Enfin pour le moment, le jambon que j'avais devant moi me paraissait tout à fait comestible également.. M'était d'avis que le bateau risquait de tanguer sous peu.. Bof, on mettrait ça sur le compte du vent qui s'était levé..

Un petit dej royal.. ma fois oui, il me fallait bien ça après tout ce sport..

Ton absence est oubliée mon coeur, tu t'es bien fait pardonner..

Je humais le chocolat chaud, le pain frais, la confiture.. Ainsi que le bouquet de fleurs accompagnant le tout.

Ohh tu y a pensé amour..

Rangement.. mot tabou pour une femme..

Le sac qui avait servi de couche à mes oiseaux durant la traversée me suffisait pour emporter les quelques affaires que je voulais avec moi.
Je laissais pratiquement tout sur place, m'étant changée avant de prendre la route.. avec la neige, mieux valait se couvrir chaudement.

J'avais oté du vase le bouquet de fleurs que m'avait offert Army pour mon anniversaire et l'avais accroché à l'envers, afin de garder ce bouquet une fois séché.
Le mieux aurait été de le suspendre à côté d'une cheminée, mais faire un feu sur un navire.. relativement risqué..

Je jetais un dernier coup d'oeil à la cabine, gravant le dessin des boiseries dans ma mémoire.

Vivement que je revienne.

La cabine n'avait pas changé.
Je retrouvais avec plaisir les boiseries patinées par les embruns et.. mon système de rangement bien personnel..

Ohh mon coeur déjà là !!!
Moi qui m’apprêtais à parcourir le bateau jusqu'à fond de cale pour te chercher.

Je regardais l'unique couchette disponible, l'autre étant toujours occupée par mes affaires laissées auparavant ainsi qu'un sac nouvellement arrivé et me laissais tomber dessus.

Viens là toi, j'ai envie d'un calinou dans tes bras.
Il sera bien temps tout à l'heure d'aller retrouver nos amis au mess.

Lundi 4 février 1461

Un dernier tour avant de quitter le Tiguidou.
J'espère qu'il y aura d'autres ballades en compagnie de nos amis.